2018-2023 - Auvergne et île de Korppo, Finlande, artiste en résidence
(...) S’enforester, comme le raconte Baptiste Morizot c’est « entrer dans un devenir forêt, laisser la forêt advenir en soi. » Non pas aller vers la forêt, la laissant extérieure à soi mais l’incarner, l’habiter, en faire son habitus. En s’enforestant, Marie traverse les frontières bien établies et violentes qui ordonnent le monde, souvent pour mieux le détruire : la séparation de l’humain et de la nature, de l’animal du végétal, du vivant et du minéral, du corps et du décor. Le pubis devient colline, la chevelure crinière d’herbes au vent, le bras prend racine, la silhouette en mouvement et multiple s’inscrit dans l’écorce… Il résulte de son geste une fluidité et douceur sans aucune inquiétante étrangeté, comme si ce rapport du corps au monde a toujours été là, originel sans origine, mémoire sans passé. (...) Car si Marie végétalise / minéralise / nature son corps, c’est pour mieux le dénaturaliser.
C’est la force de cette proposition de n’être en aucun cas un retour à la nature ni à la source. L’appareil photo apparaît juste après, dans le miroir reflétant le décor forestier, l’artificiel et le naturel ici ne font qu’un, le sujet est l’objet et inversement, le sujet est toujours un artefact, une fabrication. (...)
A l’inverse du temps linéaire, individuel, Marie donne à expérimenter un rapport au temps cosmique où le corps prend sa place parmi d’autres éléments, délivré de l’inquiétude, reliant les générations et les corps d’un simple échange de regards, l’un vers bas, l’autre vers le haut. Quelque chose se trans-met/trans-forme, de l’un à l’autre. Le visage se parchemine, le dos se cuivre, les cheveux comme les mains blanchissent … Marie accueille les marques du temps dans toute leur beauté, loin du désir d’éternité. Le corps nu cette fois-ci allongé, paisible, jambes croisées, tête tournée vers le mur puis vers nous. Les yeux fermés dans la pénombre au début sont désormais ouverts. La mort fait partie de la vie, à tout instant… « Je ne saigne plus » est une libération.
Hélène Harder, réalisatrice
PHOTOS EXTRAITES DE LA SÉRIE
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